Mercredi 20 novembre 2024, Pascale MATHIEU, présidente du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, s’est rendue à Reims afin de signer le protocole de transmission de signalements d’infractions sexuelles avec François SCHNEIDER, procureur de la République de Reims, Annick BROWNE, procureure de Châlons-en-Champagne ainsi que le président du Conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne, Xavier MACHUEL, et Hélène CUSIMANO, vice-présidente.




La signature de ce protocole a pour objet de renforcer la lutte contre les violences sexuelles commises à l’occasion ou dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions par des professionnels, en créant les conditions d’une relation de confiance facilitée dans la durée entre le parquet de Reims, le Conseil national et le Conseil départemental de la Marne de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes.

Pascale MATHIEU a rappelé la genèse du protocole : présidente du Conseil national depuis 2014, elle en fut d’abord secrétaire générale en 2011. A son arrivée, elle a mis en œuvre l’examen systématique des décisions de CDPI (et a pris conscience du nombre important d’affaires de mœurs. La présidente a également constaté que les sanctions n’étaient pas forcément à la hauteur de la gravité des faits, en raison du manque de prise de conscience de ce qu’était une véritable relation thérapeutique. Suite à cela, le conseil national a organisé un premier séminaire de réflexion en 2017 avec des psychiatres et des psychologues, un représentant du ministère de la Justice ainsi qu’un avocat pénaliste, une représentante des droits des femmes. Par la suite, le secrétaire général Jean-François DUMAS a mis en place un groupe de travail afin d’élaborer une stratégie visant à lutter contre les violences sexuelles commises lors d’actes de kinésithérapie.




La présidente a souligné la principale difficulté rencontrée par l’Ordre : ce dernier n’est pas toujours mis au courant des infractions ou des crimes commis par les kinésithérapeutes, et l’apprend parfois directement par la presse une fois l’affaire jugée. Bien qu’il existe une instruction qui permet au parquet d’informer les ordres, cette dernière n’est pas toujours mise en œuvre, raison pour laquelle l’Ordre a souhaité aller plus loin avec la création d’un protocole.

La France compte 109 000 kinésithérapeutes qui dispensent plus de 2 millions d’actes chaque jour. Ils font honneur à la profession par leur intégrité et leur engagement sans faille au service de la qualité des soins.

La profession de kinésithérapeute, sans être plus touchée que les autres, compte malheureusement elle aussi en son sein des professionnels indignes. Un certain nombre, très faible certes, mais déjà trop important, déshonore la profession par son comportement inacceptable.

Sur le nombre d’affaires jugées en chambre disciplinaire nationale, 18 % des affaires concernent des affaires de mœurs (le pourcentage est identique dans les chambres disciplinaires de première instance (sur le total des affaires jugées)).

Le nombre de signalements de patientes a convaincu l’ordre d’élaborer une stratégie volontariste Il a d’abord initié, avec le concours du parquet de Paris, un premier protocole ayant permis la création d’une relation privilégiée, mais surtout des réponses rapides pour des affaires graves.

C’est la raison pour laquelle une campagne de communication a été lancée en 2022 dans les cabinets avec de nombreux outils, des affiches, un déontomètre qui permet de qualifier la qualité d’une relation thérapeutique ; un outil précieux qui, mis à disposition des patients, peut aider à déceler des situations anormales. Il est d’ailleurs parfois utilisé dans des affaires de mœurs par certains officiers de police judiciaire lors de leurs enquêtes.

Parallèlement, l’Ordre a formé les assesseurs de chambre disciplinaire de première instance, ainsi que tous les élus qui organisent les conciliations pour les sensibiliser au recueil des témoignages des femmes qui portent plainte contre des kinésithérapeutes.

Ce travail se poursuit avec la signature du protocole de transmission de signalements d’infractions sexuelles dans les différents départements français.


Suite à la présentation de la présidente de l’Ordre, François SCHNEIDER, procureur de la République de Reims a affirmé l’importance de protocoliser ce sujet afin de pouvoir fluidifier l’échange de l’information grâce à cet outil extrêmement utile.

Annick BROWNE, procureure de Châlons-en-Champagne s’est dite convaincue également de la nécessité du protocole, en soulignant la relation parfois déséquilibrée entre un patient et un kinésithérapeute, qui peut rendre certaines situations compliquées pour les victimes. Elle a rappelé que l’objectif du protocole est d’être plus efficace, en particulier quand les violences de nature sexuelles interviennent dans le cadre d’exercice professionnel. Elle évoque une démarche vertueuse pour le parquet, puisque le protocole permet d’avoir des signalements qui seront centralisés, normalisés et normés. Ces derniers pourront ainsi être traités beaucoup plus facilement et dans un délai beaucoup plus rapide, puisqu’ils sont directement dirigés vers le bon interlocuteur du parquet et peuvent être renvoyés directement vers les services d’enquête.

Le protocole permet également de formaliser les cas dans lesquels l’Ordre doit être tenu informé. En effet, l’article 11 du code de procédure pénale définit des cas d’information obligatoire, mais également des cas d’information qui sont à la discrétion des procureurs de la République. Le protocole prévoit que l’Ordre soit informé lorsqu’ il y a une décision de condamnation, même si elle n’est pas définitive, dès lors qu’une décision de poursuite devant un tribunal correctionnel est prise, ou dès lors qu’il y a une décision de mise en examen par un juge d’instruction. Le protocole s’applique dès le début du signalement d’une infraction de nature sexuelle, permettant un suivi du dossier et un retour d’information qui permettra à l’Ordre, le cas échéant, de venir se constituer partie civile, ce qui permet d’avoir accès au dossier et de déposer éventuellement une plainte disciplinaire.

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