Anne-Sophie Muller est kinésithérapeute à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep), qui fournit une formation scolaire et universitaire adaptée aux sportifs de haut niveau. Elle intervient également auprès de l’équipe de France de natation qui participera aux Jeux olympiques de Paris en 2024. Son accompagnement vise à prendre soin des athlètes, à l’entraînement et lors des compétitions. Pour elle, le rôle du kinésithérapeute est primordial auprès de ses patients, qu’ils soient sportifs ou non : en matière de soins et de rééducation, mais aussi en termes de prévention personnalisée et de conseils pour encourager la pratique sportive.
Vous êtes kinésithérapeute auprès de l’équipe de France de natation qui participera aux Jeux olympiques (JO) 2024 à Paris. Quel est votre rôle ?
J’accompagne l’équipe de France de natation au cours des stages et des compétitions, à la fois pour de la prévention, de la récupération et des soins.
Lors des compétitions, les athlètes sont généralement en pleine forme physique. J’interviens principalement pour la récupération entre les courses. Je veille à ce que leurs « petites blessures », ou leurs pathologies anciennes (souvent des tendinopathies et des bursites chez les nageurs), les handicapent le moins possible dans leur pratique.
Pendant les stages, l’accompagnement est un peu différent car les athlètes ne sont pas nécessairement au meilleur de leur forme. Les séances peuvent concerner, par exemple, la suite d’une rééducation qui a déjà été engagée. Nous sommes en lien avec les kinésithérapeutes des structures où s’entraînent les sportifs à l’année, et nous mettons en place des protocoles de prévention en fonction des situations, en concertation avec les médecins et les préparateurs physiques. L’objectif est de veiller au bien-être de l’athlète, et de mettre en place les meilleures conditions pour qu’il puisse être performant.
Pendant l’année olympique, nous sommes toujours les mêmes kinésithérapeutes à intervenir auprès de l’équipe. Nous sommes deux ou trois en fonction du nombre de nageurs.
Vous intervenez également à l’Insep. Quelles sont vos missions ?
À l’Insep, je m’occupe du suivi des athlètes à l’année, principalement sur les « pôles France » de natation, gymnastique, athlétisme, judo et lutte. Mes activités concernent en grande partie la rééducation des sportifs.
Notre équipe de kinésithérapeutes est en lien étroit avec les médecins et les entraîneurs. Nos réunions hebdomadaires permettent de faire le point sur la situation de chaque athlète, ses blessures, progrès ou difficultés à l’entraînement, afin de lui proposer le meilleur suivi.
Votre exercice est donc bien différent de celui d’un kinésithérapeute libéral ?
Effectivement ! Aujourd’hui j’exerce dans un domaine particulier, où le moindre petit « bobo » peut être vraiment problématique. Le corps des athlètes est leur outil de travail, il faut en prendre soin et l’entraîner sans relâche pour être performant.
Je n’ai plus le temps de pratiquer en libéral, mais quand j’avais encore un mi-temps en cabinet, je traitais une grande variété de patients et de pathologies. J’étais plus « dans le monde réel », en quelque sorte.
En quoi la kinésithérapie peut-elle aider les sportifs (de haut niveau ou non) dans leur pratique ?
De façon générale, le kinésithérapeute peut aider les sportifs à se sentir bien dans leur corps. Nous avons un rôle de prévention, d’éducation, pour expliquer comment bien s’échauffer et s’étirer, et de conseil pour réaliser les gestes facilitant la récupération. En cas de blessure, nous proposons une rééducation précisément adaptée mais surtout, nous expliquons au patient qu’il en est l’acteur : s’il est engagé dans sa rééducation, cela va potentialiser ses résultats. Ensuite, la prévention est individualisée selon les besoins de chacun. Elle permet de diminuer le risque de récidive, en mettant en place des programmes personnalisés.
Le kinésithérapeute a aussi parfois un rôle de confident, facilité par la relation de confiance établie avec le patient. C’est notamment le cas pour les athlètes que je suis très régulièrement à l’Insep : les séances sont aussi l’occasion de décompresser, de discuter de ce qui s’est passé à l’entraînement, ou bien des relations avec leur coach, leurs collègues ou leurs proches. Comme je les vois quasiment tous les jours, une relation privilégiée se met en place.
Quand je pars en déplacement avec l’équipe de France de natation, ce rôle est encore plus important, car nous sommes ensemble 24 heures sur 24 ! La « salle de kiné » est pour eux un lieu de convivialité et d’échanges. Nous sommes à leur écoute, et parfois ils nous confient leurs difficultés ou s’autorisent à être vulnérables. Alors que quand nous arrivons avec eux à la piscine, c’est le moment de la compétition ou de l’entraînement : il leur faut être particulièrement concentrés et performants.
Les kinésithérapeutes ont-ils un rôle particulier à jouer dans la prévention en santé et dans l’incitation à pratiquer une activité sportive ?
Oui, nous avons un rôle important en matière de promotion de l’activité physique : il s’agit d’expliquer aux patients qu’il est possible et bénéfique de faire du sport, de manière adaptée. En tant que kinésithérapeute, nous connaissons bien les mécanismes des pathologies et leurs évolutions possibles, les exercices que les personnes peuvent faire en fonction de leur situation, et ceux qui sont à proscrire. Évidemment, avec les sportifs de très haut niveau, nous sommes un peu dans l’extrême… ! Mais pour l’ensemble de la population, il est important de rappeler les bénéfices du sport-santé : une pratique régulière, adaptée à chacun et qui soit source de plaisir.
Nous avons aussi un rôle de prévention et d’éducation à la santé, et il faut parfois lutter contre certaines idées reçues. J’entends quelquefois des collègues, en libéral, évoquer des situations de patients souffrant de lombalgie qui demandent systématiquement à être massés. Il est alors important de leur expliquer l’utilité des exercices proposés et de l’activité physique adaptée pour diminuer la douleur et retrouver une mobilité satisfaisante. Ils comprennent alors que le réflexe « J’ai mal au dos, je vais voir le kiné, il va me masser » n’est pas forcément approprié : si aucune autre action n’est envisagée, si les exercices de rééducation ne sont pas réalisés, si la posture et l’activité physique ne sont pas adéquates, l’efficacité du massage sera transitoire, voire nulle.
Par ailleurs, il faut aussi encourager ceux qui reprennent une activité sportive, leur rappeler l’importance de pratiquer régulièrement et, surtout, de se faire plaisir, afin de pouvoir maintenir cette régularité.
De manière générale, quels liens faites-vous entre le sport et la santé ?
Sport et santé sont indissociables : pour être en bonne santé, il faut pratiquer une activité physique régulière. Il est important que le sport soit adapté à la condition physique, aux possibilités et aux goûts de chacun. Nous savons aujourd’hui que le sport est un facteur de bien-être physique et psychologique. De plus, il favorise les relations sociales car il est souvent l’occasion de moments de partage, d’échanges et de rencontres. L’activité physique permet de penser à autre chose, de se libérer de toutes les tensions qui peuvent exister à la maison ou au travail. C’est aussi un moment pour soi.
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