Kinésithérapeute de l’équipe de France de rugby, c’est un travail à temps plein ?

Bertrand Garet : Cette mission nous mobilise 4/5 mois par an en année normale, 6 mois en année de Coupe du monde. J’ai par ailleurs un cabinet libéral dans les Landes, et je fais de la recherche en neurosciences à Biarritz avec un médecin du sport et un chirurgien du genou. Je travaille notamment sur la capacité du cortex à stimuler les muscles et à des protocoles de visualisation du mouvement, que j’utilise avec le XV de France.

Cédric Cassou : Quand je ne suis pas avec les Bleus, je pratique en libéral dans un cabinet de groupe à Argelès-sur-Mer, où je fais essentiellement des bilans et des protocoles de réhabilitation et réathlétisation. J’aime prendre en charge les sportifs de tous niveaux, que ce soit l’homme ou la femme de 50 ans qui veut réussir son premier marathon, le jeune rugbyman du coin qui veut percer ou le maçon qui doit finir son chantier malgré son entorse de cheville… Et je leur propose les mêmes méthodes et les mêmes outils qu’aux joueurs pro.





Par quel cheminement devient-on kinésithérapeute du XV de France ?

Cédric Cassou : Un rêve d’enfant ! En tant que joueur de rugby, je rêvais du maillot de l’équipe de France, j’ai finalement réussi à l’avoir en tant que professionnel de santé. Mes parents étaient boulangers, je les aidais parfois et un jour j’ai servi Patricia Girard (alors athlète de 110 m haies) accompagnée de son kinésithérapeute, j’y ai vu un signe… Plus tard, les premiers professionnels que j’ai remplacés s’occupaient d’athlètes de haut niveau, cela a confirmé mon envie.

Bertrand Garet : J’étais moi aussi rugbyman, et à l’époque je voulais être oenologue. J’ai été blessé et soigné à Capbreton, où j’ai vu les kinésithérapeutes et ma vocation est née. Lors de mes études à Paris j’ai croisé beaucoup de sportifs à l’INSEP, grâce à Gilles Emptoz-Lacôte j’ai intégré la Fédération française de natation et j’ai fait les JO de Londres 2012 et Rio 2016 avec l’équipe de France. De retour dans les Landes, on m’a proposé de suivre l’équipe de rugby de Colomiers puis celle de Dax, puis l’équipe de France féminine avec Cédric Cassou lors de la coupe du monde 2017 en Irlande. Notre premier match avec l’équipe masculine a été celui contre les All Blacks en novembre 2017. Depuis, les sélectionneurs Jacques Brunel puis Fabien Galthié nous ont proposé de continuer.

Quel est votre rôle, en quoi consistent vos interventions auprès des Bleus ?

Bertrand Garet : Nous sommes trois kinésithérapeutes auprès de l’équipe de France depuis 2020, avec Bruno Boussagol. Et Mélissa Vanel nous a aidés cet été. Notre rôle va de la préparation, l’activation des joueurs jusqu’à leur récupération, nous sommes les premiers et les derniers sur le pont (1).
Une journée type avec les joueurs, c’est l’éveil le matin avec de la lumière stimulante et des protocoles d’activation musculaire sur table ; leur accompagnement pendant la séance de musculation, puis pendant l’entraînement ; l’après-midi et le soir, des soins de récupération et des soins spécifiques à chacun. De par mon activité de recherche, je travaille plus spécifiquement sur la capacité d’activation des joueurs, l’évaluation de l’efficacité dans leurs mouvements y compris à faible intensité.
Il y a aussi une dimension pédagogique dans notre action, avec différents ateliers auxquels les joueurs sont réceptifs (approche mentale, sommeil, nutrition…).

Cédric Cassou : Au sein de cette prise en charge, ma spécificité est le travail avec des capteurs dans des ateliers d’évaluation de la force de certaines parties du corps et de renforcement du rachis cervical notamment.
Je m’occupe par ailleurs de la saisie informatique de tous nos actes, car le partage et le suivi de ces données est important pour nous et pour les clubs auxquels les joueurs appartiennent.
Au niveau de la logistique, je répertorie les besoins en matériels et j’assure les commandes.

Les Bleus sont-ils des patients comme les autres ?

Bertrand Garet : Ces champions ne sont pas des patients comme les autres, ils ont une force, des capacités mentales supérieures à la moyenne, ils vivent des émotions puissantes, des moments difficiles et de joie. On les suit de façon très rapprochée, avec une minutie et des moyens importants, ce qui nous permet de sentir le résultat de notre prise en charge jour après jour, c’est une expérience forte pour nous aussi.

Cédric Cassou : Ces sportifs de haut niveau sont souvent des personnes hypersensibles et hyper-émotives, qui perçoivent beaucoup de choses, plus vite et plus finement que les autres. Avec leur expérience des blessures, ils connaissent leur corps, savent ce qui va les aider ou non, comprennent l’intérêt d’un soin. Ils connaissent les exercices, les straps, ce sont des patients experts qui nous challengent en tant que professionnels de santé et c’est hyper enrichissant ! On est un peu leur confident aussi, parfois.

Que ressentez-vous à l’approche de cette Coupe du monde en France ?

Bertrand Garet : Cette Coupe du monde-là est spéciale. Je suis content, honoré, j’ai pu préparer cette coupe en France dans de bonnes conditions, je me suis préparé physiquement aussi à de longues journées. Je suis prêt à vivre les moments les plus heureux, j’en ai rêvé. On a envie de gagner, d’être champions du monde !

Cédric Cassou : Aucune équipe de “grands” (équipe senior masculine) n’a encore gagné la coupe du monde. Ces joueurs peuvent écrire une page dans l’histoire du rugby. On a un staff nombreux (30 personnes) et pas moins de 42 joueurs préparés pour l’événement. La motivation est là, c’est un défi que nous relevons tous ensemble.

(1) Le sélectionneur Fabien Galthié a récemment remercié les kinésithérapeutes et les autres préparateurs, à voir en vidéo.

La coupe du monde de rugby débutera en France le 8 septembre prochain, le jour de la journée mondiale de la kinésithérapie. Le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes profite de cette occasion pour souhaiter le meilleur des parcours au XV de France et à ses kinésithérapeutes !

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